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Une nouvelle carte laitière se dessine e Une nouvelle carte laitière se dessine en matière de gestion des quotas

Le ministère de l'Agriculture propose de découper la France en neuf « bassins laitiers » chargés de la gestion des quotas. Cette simplification participe à une transition vers l'après-quotas.

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Le 1er avril 2011 sera riche en nouveautés pour la filière laitière. Après la contractualisation et les organisations de producteurs, le ministère de l'Agriculture a sorti de son chapeau neuf « bassins laitiers » qui auront la main sur la gestion des quotas (voir l'encadré).

Ce projet est censé simplifier le système pour les quatre campagnes laitières qui restent avant la fin des quotas en 2015. « Ces bassins sont une étape intermédiaire pour simplifier et harmoniser la gestion des quotas avant leur disparition », estime Pascal Clément, président de la section laitière de la FRSEA de l'Ouest.

La proposition passe plutôt bien auprès des producteurs et des industriels. Pour eux, la gestion départementale n'était plus pertinente. Les échanges entre départements se pratiquent déjà. Ainsi, dans le Sud-Ouest, les litrages issus des cessations sont mutualisés à l'échelle régionale depuis deux ans.

« Raisonner les quotas à l'échelle des bassins laitiers est davantage en adéquation avec la gestion des volumes par les entreprises », convient Josian Palach, de la Confédération paysanne.

Un avis que ne désapprouverait pas Luc Morelon, responsable de la communication de Lactalis. « La gestion par bassin est un progrès, estime-t-il. Elle sort la filière d'un système désuet. La gestion par département est aujourd'hui aberrante : elle empêche de transférer du quota vers les éleveurs qui veulent produire davantage. Il faut libérer le potentiel des plus dynamiques pour les préparer à la fin des quotas. »

La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) est plus prudente. « Ce ne sont pas les bassins qui régleront tous les problèmes de compétitivité, d'autant que les moyens manquent pour mettre en place des politiques dynamiques », estime Thierry Roquefeuil, son secrétaire général.

Les zones d'AOC ne devraient pas être perturbées par ce nouveau fonctionnement, car elles ont leur propre politique de valorisation du lait. Et pour les zones en déprise ? « Les bassins sont plutôt destinés à les protéger, estime Daniel Condat, président de l'Organisation des producteurs de lait (OPL). On devrait éviter les mouvements importants de volumes. A condition qu'il n'y ait pas de transferts de quotas entre bassins. »

Sur ce dernier point, tout le monde n'est pas du même avis. « Ne brûlons pas les étapes, tempère Thierry Roquefeuil. Il peut être nécessaire que les bassins travaillent entre eux, mais dans une limite fondamentale : le maintien du lait sur tout le territoire. »

Des transferts « inévitables »

Pour d'autres, il faut aller plus loin. Les transferts entre bassins sont « inévitables », voire « indispensables ». Le Grand Ouest y voit son intérêt. « Pour exprimer le potentiel laitier national, il faut envisager des transferts d'un bassin à l'autre. Sinon, les industriels le feront eux-mêmes à la sortie des quotas », estime Pascal Clément.

Sans pour autant se laisser aveugler. « Le transfert serait positif pour notre région sous l'angle des volumes, nuance Laurent Boussès, secrétaire général de l'interprofession laitière du Grand Ouest. Sauf qu'il faut un débouché valorisant pour tous les volumes produits en plus. »

Si les responsables veulent « éviter une concurrence exacerbée entre régions », un éleveur finistérien ne partage pas cet avis. Pour lui, « geler les volumes dans les zones en déprise se fera au détriment des éleveurs d'autres régions comme la Bretagne, qui peuvent produire davantage. » Et au profit de nos concurrents européens.

« La tendance à la concentration de la production dans certaines zones au sein des régions est déjà en route, reconnaît Josian Palach. Le risque est très fort que les volumes déménagent ensuite d'une région à l'autre. Pour éviter la fuite de leurs litrages, les régions en sous-réalisation chronique devront réagir. »

La préservation de leurs ressources laitières sera justement le rôle des conférences de bassin.Les zones fragiles affichent pourtant leur sérénité face au projet.

Le Sud-Ouest et la région Rhône-Alpes ont déjà travaillé à réorganiser leur production à l'échelon régional.

En Auvergne, le projet du ministère est accueilli sans inquiétude. « La mutualisation au sein d'un bassin garantit que tous les litrages cédés dans un département seront produits dans la région, explique Yannick Fialip, président des producteurs d'Auvergne. Pour les AOC, le projet va aussi dans le bon sens, car le cadre est régional. »

Quant aux transferts entre bassins, l'Auvergne y pense aussi : elle est déjà en contact avec les bassins limitrophes Sud-Est et Sud-Ouest. « Nous avons deux atouts pour récupérer des litrages : dans la région, les éleveurs ont peu d'alternatives à la production de lait ; de plus, la politique d'installation est volontariste, avec des éleveurs nombreux et plutôt jeunes. »

Eviter un « énorme choc en 2015 »

Les bassins laitiers ne feront pas seuls la politique laitière d'ici à 2015. Le gouvernement a déjà annoncé son intention d'imposer les organisations de producteurs et les contrats. La FNPL et l'OPL y adhèrent, chacune de son côté.

La première met en route son projet d'organisation collective et économique des producteurs dans les régions.

La seconde se fonde sur l'Office du lait, créé par l'Apli. La Confédération paysanne est plus dubitative. « Tout ceci ne suffira pas à assurer la stabilité aux éleveurs laitiers, il faut une maîtrise des volumes, martèle Josian Palach. C'est par un bon prix du lait que les éleveurs continueront à produire. 2015 est un cap à passer, mais c'est une question de politique, pas de taille des élevages. »

Luc Morelon n'est pas du même avis. Pour lui, il faut d'abord satisfaire ceux qui peuvent produire plus pour améliorer leur compétitivité. « On va vers une forte hausse des volumes de lait dans l'Union européenne. Un doublement des volumes par UTH en France nous rapprocherait de nos voisins du Nord, sans pour autant donner naissance à des exploitations démesurées. »

Pour l'industriel, c'est l'un des seuls moyens d'éviter « un énorme choc en 2015 ». « La contrepartie de la libéralisation du marché dans l'Union européenne, c'est la libéralisation de la gestion des volumes en France. Nous n'avons plus que quatre campagnes pour nous y préparer. »

 

 

 

Le bassin laitier supprime l'échelon départemental

 

A partir de la prochaine campagne laitière, les quotas seront gérés au sein de neuf « bassins laitiers ».

Pour chacun, une « conférence de bassin laitier » sera créée, dans laquelle siégeront des représentants des producteurs, des industriels, de la distribution, des consommateurs, des régions et des pouvoirs publics. La représentativité des syndicats minoritaires devrait s'améliorer.

Cette « instance de concertation » remplira les missions de gestion des volumes jusque-là dévolues aux CDOA : modalités d'attribution des volumes libérés, mise en oeuvre des aides à la cessation (Acal) et des rachats de quotas sans terre (TSST)...

Enfin, la répartition entre les bassins d'une hausse de la référence nationale se fera selon le nombre de producteurs, la livraison moyenne, le quota total et le taux de réalisation du quota de chaque bassin. 

 

 

Minipaquet relatif au lait : renforcer le pouvoir de négociation des producteurs

Le 14 décembre 2010, la Commission européenne présentait son minipaquet relatif au lait destiné à aider la filière à s'organiser face à la libéralisation du secteur. Les mesures portaient sur les points suivants :

Contractualisation. Les Etats pourront rendre obligatoire un contrat écrit entre un producteur et sa laiterie (dérogation prévue pour les coopératives).

Pouvoir de négociation. Les producteurs pourront négocier collectivement les contrats.

Organisations de producteurs. Elles ne pourront pas regrouper plus de 3,5 % de la production globale de l'Union européenne et 33 % de la production nationale.

Interprofession (au choix de chaque Etat). Elle sera chargée de communiquer des informations « afin de permettre une meilleure connaissance de la production et du marché ».

Transparence. Les laiteries devront informer Bruxelles des volumes de lait cru livrés.

La majorité des ministres de l'Agriculture des vingt-sept Etats membres ont approuvé ces propositions, à l'exception du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Danemark et de la Suède, tous les quatre hostiles à toute restriction de la concurrence.

Les réactions des syndicats sont mitigées. La FNSEA et la FNPL ont souligné une « avancée fondamentale » pour renforcer le pouvoir des producteurs. Pour Via Campesina (Confédération paysanne et Modef), « confier un secteur laitier dérégulé aux laiteries, interprofessions et groupements de producteurs ne va pas résoudre la crise de la production laitière. Les producteurs ont d'abord besoin d'une politique publique européenne forte, qui régule production et marché. » La Coordination rurale et sa branche laitière, l'OPL, font part de leur « déception » face à un projet qui « élude la question essentielle de la régulation de la production ». 

 

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